Myriam Verzat

Myriam Verzat

La recherche sur la communication scientifique ne se limite pas aux pays européens, aux Etats-Unis ou encore au Canada. Dans plusieurs pays d'Amérique latine, il s'agit aujourd'hui d'un défi majeur que de permettre un accès public à la connaissance scientifique. Le Réseau Science et Développement, dont la chercheuse Luisa Massarani est membre, tente de suivre les évolutions de la médiation scientifique afin de mieux accompagner les acteurs.

Mardi, 30 Novembre 1999 00:00

Madame Cosinus ou la geek du slam

madame cosinus« Je me sens quelconque, je suis comme n'importe quiconque j'aimerais ça me présenter mais j'ai même pas d'identité. »

« Je suis harcelé par les électrons comme une secrétaire par son patron »

« J'ai un complexe de relativité, je ne suis qu'une probabilité »

Ces paroles, qui évoquent l'état psychologique d'un atome, sont celles de Julie Dirwimmer, plus connue dans le monde du slam sous le nom de Madame Cosinus. Après un master de communication scientifique à Strasbourg, elle est arrivée au Québec en 2007 pour son stage de fin d'études. Elle n'en est jamais revenue. Aujourd'hui elle occupe un poste de coordinatrice des communications à l'AFCAS (Association Francophone pour le Savoir).

En parallèle de sa passion pour les sciences, Madame Cosinus a toujours eu la fibre artistique. Pendant ses études en France, entre théâtre d'improvisation et animation scientifique, elle suit aussi avec intérêt les débuts de Grand corps malade. « Avant j'aimais déjà écrire, mais j'avais, comme beaucoup, la peur de ne pas être à la hauteur. Le slam est une forme d'expression orale, où les fautes d'orthographes ne comptent pas. Si tu peux parler, tu peux slamer. » explique-t-elle. C'est à Montréal, à 5000 km de tout jugement de ses proches, qu'elle décide de se lancer sur la scène slam. La spécialité de Julie, c'est de puiser son inspiration dans le monde scientifique. Cet univers, qui est un peu le sien, est riche d'un vocabulaire diversifié et sans cesse renouvelé : « Je pioche dedans pour exprimer ce que je ressens. »

Il y a bien sûr des règles du jeu. Un slam c'est 3 minutes, il faut donc aller droit au but. Un peu comme en vulgarisation scientifique, il s'agit de capter l'attention dès les premiers instants en entrant directement dans le vif du sujet. Pour elle, la comparaison s'arrête là, car elle se considère avant tout comme une artiste. Son objectif n'est pas de vulgariser les sciences, mais de faire passer des émotions et des réflexions en utilisant des objets scientifiques. « Dans tout œuvre qui allie arts et sciences, il y a une dominante. En théâtre par exemple, il y a un choix à faire : science théâtralisée ou théâtre scientifique ». Se positionner en artiste, c'est se permettre de ne pas être expert sur la question, et pouvoir détourner le sens des mots et des concepts scientifiques. Son choix lui permet aussi de prendre une liberté avec la science, de jouer avec, quitte à la faire parfois descendre de son piédestal.

Le public québecquois semble en tout cas apprécier son talent puisqu'elle fait des représentations un peu partout au Québec et a participé en juin dernier à la finale de slam de Montréal. Elle doit à chaque fois s'adapter à son public : « Le grand public n'existe pas réellement, ou en tout cas il est différent à chacune de mes scènes. Certains slams peuvent très bien marcher à Montréal, mais faire un flop à Trois rivières [petite ville du Québec]. Il faut apprendre à connaître son public et s'y adapter ». Grand public ou public de la diversité, le slameur compose avant tout pour être écouté et plaire à ceux qui les écoute.

Pour en savoir plus :
Le site internet de madame cosinus

Diminution du lectorat, licenciement du personnel, chute de la diffusion : il ne fait plus aucun doute que le journalisme se trouve à un tournant de son histoire. Cette crise du journal papier, c’est certainement les journalistes scientifiques qui en ont fait les premiers frais, les pages sciences étant les premières sacrifiées. Il a donc fallu apprendre très tôt à exister autrement, inventer de nouvelles approches pour toucher un public différent. Le web, ce formidable terrain d’exploration ou tout semble encore possible, reste à le comprendre et l’apprivoiser.
Aujourd’hui, un journaliste scientifique doit se faire sa place sur le web parmi des milliers de bloggers, scientifiques, journalistes, amateurs ou employés d’entreprises. Certains feront appel au « personal branding », nouveau concept marketing appliqué au journalisme pour se vendre sur la Toile.

Le journalisme scientifique serait-il en train, dans une nécessité de survie, de se transformer en entreprise à produire de l’information ? Cette tendance n’est certes pas inexistante, mais la qualité et la diversité des contenus que l’on peut trouver dans la multitude de « petits médias » d’Internet me donnent bon espoir. On assiste à une nouvelle ère de communication avec le citoyen, plus flexible, plus interactive et sans cesse réinventée. Reste une interrogation : ce « nouveau » public touché n’est-il pas celui qui est déjà intéressé et motivé par les sujets scientifiques ?

« Existe-t-il des limites à la liberté d'expression des scientifiques ? » Tel est le titre du débat public qui s'est déroulé samedi 16 octobre 2010 au Palais de la découverte à Paris. De récentes polémiques sur la santé ou le réchauffement climatique ont mis en évidence la complexité du positionnement des scientifiques face à des questions aussi délicates. Où et comment doit se dérouler le débat scientifique ? Où se trouve la limite entre expertise et expression d'une opinion ? Existe-t-il une éthique de la communication scientifique ? Autant de questions auxquelles les cinq intervenants et le public ont tenté de réfléchir.

Depuis plus d'un an, la France semble beaucoup plus à l'écoute des climato-sceptiques, ces intellectuels et scientifiques français qui expriment publiquement leurs doutes sur la thèse d'un réchauffement climatique causé par l'homme. Qui sont ces climato-sceptiques qui ont bénéficié dernièrement d'un espace médiatique équivalent voire supérieur à celui donné aux spécialistes du climat ? Retour sur cette affaire mêlant questions politiques, éthiques et sociologiques, ou les rapports à la science et à la vérité semblent brouillés.

Mardi, 01 Mars 2011 10:05

Un vent de révoluscience

D’où l’idée de ce manifeste vous est-elle venue ?
Nous avons eu envie de questionner l’idée selon laquelle toute forme de médiation scientifique est bonne par nature. Nous avons souvent l’impression, dans les discours des scientifiques, que puisqu’on va à la rencontre du public, c’est bien. Or, on peut se demander s’il n’y a pas de mauvaises pratiques de communication scientifique. Nous ne voulons pas nous positionner en donneurs de leçons qui expliquent la bonne manière de faire de la médiation. Il s’agit plus ici d’une réflexion, de se poser des questions sur nos pratiques.

Quelles sont les principales raisons qui vous ont poussés à concrétiser ce manifeste ?
Nous travaillons sur ce manifeste depuis deux ans pour plusieurs raisons. D’abord, certains discours sur le rapport à la science et à la société nous déplaisent, comme celui qui privilégie une vision scientifique du monde par rapport à d’autres regards disciplinaires. Il est aussi important que les gens connaissant la philosophie ou l’histoire. Il arrive aussi souvent que la science soit présentée de manière dogmatique, presque impérialiste. Il m’est arrivé d’assister à l’intervention d’un collègue sur la chimie à la Cité des Sciences qui a débuté sa présentation ainsi : « Je vais vous apprendre à faire la cuisine ». Sa manière d’aborder les gens m’a paru très dédaigneuse, comme s’il arrivait avec la vérité et qu’il allait balayer les superstitions et les croyances des gens. On assiste alors à une appropriation de la nature par la science, ce qui crée un rapport au monde très particulier qui exclut d’autres approches plus romantiques. Pour les chimistes par exemple, tout est chimique, un arbre est chimique. Mais l’arbre est autant chimique que symbolique, et il existe mille manières de le regarder. La science est un regard sur le monde qui a des forces extraordinaires, mais plutôt que de l’imposer, il me semble important de l’expliquer.

Vous parlez dans vos attentes du manifeste de “fédérer une communauté”, de quel type de communauté parlez-vous ?
Les personnes qui font de la médiation scientifique constituent un ensemble de gens aux motivations très différentes. On trouve des scientifiques qui veulent promouvoir leur domaine de recherche pour justifier les financements, des industriels qui défendent leur marché, ou encore des acteurs de l’éducation populaire. Toutes ces personnes ne sont pas toujours d’accord sur la manière de communiquer les sciences. La communauté que nous voulons fédérer à travers ce manifeste est donc celle de toutes les personnes qui s’intéressent à la science et à sa communication et qui se reconnaîtront dans ce que nous disons. Le texte que nous avons écrit est un texte de référence qui peut être amélioré par les contributions de la communauté.

En parallèle du blog « Révoluscience », vous avez créé un second blog, dans quel objectif ?
L’idée de ces deux blogs est justement de permettre la participation de tous. Le premier blog permet une lecture du texte du manifeste et un ajout de commentaires généraux sur chaque article. Le second blog, accessible à partir du premier, permet aux internautes de commenter phrase par phrase afin de contribuer à une autre formulation du propos.

Qu’attendez-vous concrètement comme « Renouveau des pratiques de médiation scientifique » à la suite de ce manifeste ?
Nous attendons avant tout que la médiation se fasse autocritique et responsable. Nous désirons aussi que cette médiation soit émancipatrice, et que sans creuser le fossé entre scientifiques et citoyens, elle permette de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. Comprendre la théorie de l’évolution c’est important, mais il faut aussi saisir quelles en sont les implications dans la société actuelle. Une bonne médiation scientifique passe aussi par la vulgarisation de la sociologie, de la philosophie des sciences, de l’épistémologie et de l’histoire des sciences. Par ailleurs, nous souhaitons que les pratiques de médiation scientifique soient responsables et qu’il y ait une vraie réflexion sur les objectifs. On espère enfin plus de tolérance et de respect des croyances et des traditions. Au lieu de dire aux gens qu’on a raison et qu’ils ont tort, il est préférable d’expliquer la méthode scientifique et de clarifier les processus de validation mis en œuvre par la communauté scientifique.

Propos recueillis par Myriam Verzat

Emmanuelle Giacometti et Sandrine Hajdukiewicz travaillent ensemble à l’Espace des inventions à Lausanne (Suisse). Ce sont les conceptrices de la nouvelle exposition « Les doigts dans le cerveau » qui a ouvert ses portes en février dernier. Elles nous font partager deux points de vue sur l’interactivité dans une structure comme la leur.