
Fanny Cygan
Fanny Cygan
Prem’s !
Dans le contexte d'économie de la connaissance, la concurrence entre états se fait dure. Les classements des universités tels que celui de l'Université de Shanghai sont attentivement observés et analysés.
Au même titre que les marchés financiers, la recherche est un monde de compétitivité. Depuis 2003, l'université de Shanghai fourni chaque année le classement mondial des universités. Celui-ci est aussi craint que controversé. Malgré ses opposants, il reste le principal indicateur reconnu du niveau d'excellence académique des universités d'un pays. Ce sont les critères sur lesquels se basent ce classement qui sont mis en cause : le nombre d'étudiants inscrits à l'université, le nombre d'étudiants ainsi que d'enseignants de l'université lauréats aux Nobels ou à la médaille Field, le nombre de publications dans les journaux de référence tel que Nature et Science ainsi que dans d'autres magazines scientifiques tous publiés en langue anglaise. Le choix de ces critères fait la part belle aux sciences dures et favorise particulièrement les universités anglo-saxonnes anciennes et de grande taille.
Une étude publiée en 2007 par Aghion et coll* met en évidence les facteurs qui jouent un rôle sur la position des universités au sein du classement de Shanghai. Si la taille de l'université (mesurée en nombre d'étudiants) et l'ancienneté sont mis en cause, l'autonomie budgétaire, la liberté de recrutement, la liberté de fixation des salaires sont autant de variables également impliquées dans la réussite des établissements. Ce qui explique le leadership incontestable des Etats-Unis ! En 2011, parmi les 50 premières universités 35 sont américaines. Toutefois, le modèle unique n'existe pas. La Suisse ou la Suède ne sont pas en reste alors que leurs universités sont en grande majorité publiques. L'étude révèle que le critère déterminant est le budget alloué par étudiant. Critère pour lequel de grandes disparités existent entre les états.
Les Etats-Unis dépensent 2,9% de leur PIB pour les établissements d'enseignement supérieurs alors que la France y consacre seulement 1,3%. Les Etats-Unis dépensent plus du double par étudiant comparé aux pays européens (22.500 US Dollar (USD) contre 10.700 USD en France). Pour cette raison, la Commission Européenne réunie à Lisbonne en 2000 avait fixé comme objectif d'élever la contribution des états membres pour la recherche à 3% du PIB et ainsi de promulguer l'Europe « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010 ». L'hégémonie du classement de Shanghai est contestée et l'Europe n'entend pas en rester là. La Commission Européenne compte imposer un classement européen dès 2013 : « l'U-Multirang ».
Le classement de Shanghai est en réalité un classement de la recherche scientifique plutôt que des universités, raison pour laquelle aucune des grandes écoles françaises ne s'y trouve. Pour pallier à cela l'école des mines crée son propre classement qui se base sur le nombre d'anciens étudiants parmi les dirigeants exécutifs des 500 plus grandes entreprises mondiales en termes de chiffre d'affaires. La situation est alors beaucoup plus avantageuse pour les écoles françaises puisque cinq d'entre elles se trouvent parmi les dix premières universités. Mais force est de constater que l'une d'entre elles se détache du lot une fois encore : Harvard forever**.
* Aghion. P, Dewatripont. M, Hoxby. C, Mas-Colell. A et Sapir.A, Why reform Europe's universities ?, Bruegel policy brief (septembre 2007).
** Harvard pour toujours
Mincir à tous prix
Que celui qui n'a jamais été tenté par les pilules miracles, promesse de minceur rapide et sans effort jette la première pierre ! Parmi la large gamme de produits proposés, les consommateurs disposent de peu d'informations pour faire leur choix.
Tout est mis en œuvre pour rappeler l'univers médical dans la parapharmacie de la rue des Hallebardes, au centre ville de Strasbourg. Décor immaculé, rien n'est laissé au hasard jusqu'aux tenues des conseillères du magasin, vêtues de blouses blanches. Dans cette atmosphère, pas moins de six étagères regorgent de produits amincissants en tout genre. Difficile pour le consommateur de s'y retrouver ! « Il y a tellement de problèmes différents, tellement de demande de la part des clients que l'offre ne cesse d'augmenter » remarque une vendeuse.
Les produits amincissants se classent en trois grandes familles. Les « draineurs » : leur action se manifeste par le besoin de se rendre aux commodités plus souvent qu'à l'ordinaire. La perte de poids est favorisée car l'organisme n'a pas le temps d'assimiler l'ensemble des nutriments avant de les éliminer. Plus sophistiqués, les mange-graisses sont des molécules qui empêchent l'assimilation des graisses au cours de la digestion ou qui viennent véritablement déloger la graisse dans le tissu adipeux. Enfin, les coupe-faim trompent l'estomac et provoquent un effet de satiété alors que le ventre est vide.
Bien heureusement le packaging est là pour aider le consommateur à faire son choix. Deux principales stratégies de communication sont distinguées chez les fabricants. Certains surfent sur la vague du médicament. Le nom de ces marques est en général précédé du mot laboratoire, gage universel d'efficacité. Le texte use et abuse du champ lexical médical. On y parle d'essai clinique, de pourcentage de perte de poids sur un panel représentatif de patientes, de dispositif médical et de principe actif. Mais en ce qui concerne les mécanismes d'action, motus !
L'autre stratégie employée est celle de la transparence. Les fabricants proposent des gammes de produits amincissants à base d'ingrédients naturels uniquement. « Ces produits sont destinés à une clientèle soucieuse de savoir exactement ce qu'elle ingère » indique la vendeuse. Le packaging est beaucoup moins travaillé, seule la plante utilisée ainsi que son effet sont mentionnés. On apprends que la pomme est un coupe-faim, les extraits de queues de cerises un puissant diurétique, ou encore l'ananas un mange-graisse reconnu.
Peu de sciences dans ces explications... Il faut se rendre sur les sites des marques pour obtenir de plus amples informations. Celui de la marque Naturland est particulièrement bien documenté. L'ensemble des plantes médicinales et parmi elles, celles qui peuvent aider à la perte de poids ainsi que leur action y est détaillé. On apprend que c'est la labromélaïne, une enzyme protéolytique qui confère à l'ananas son pouvoir déstockant. La molécule scinde les fibres protéiques, notamment le collagène présent au niveau des amas de cellulite. La caféine a elle aussi un effet mange-graisse. Elle augmente le métabolisme de base de l'organisme, ce qui entraîne une dépense énergétique plus importante pour un effort de même intensité.
Magique ? Pas exactement... Pour une efficacité optimale toutes les marques indiquent qu'il est nécessaire de pratiquer un sport, de diminuer ses apports caloriques et de changer ses habitudes alimentaires sur le long terme. Tout ceci a comme un goût de retour à la case départ, non ?
Des médecins sonnent le tocsin
Ce sont des experts qui se substituent aux pouvoirs publics pour dénoncer des dangers ignorés. Ceux qu'on appelle les « lanceurs d'alerte » veulent, par leur action, éviter que leur prophétie ne se réalise. Et leur tâche est ardue. Car Personne n'aime le messager porteur de mauvaises nouvelles, selon le vers de Sophocle. Mais encore faut-il être entendu ! Pour dénoncer les scandales de l'industrie du médicament, être un citoyen éclairé ne suffit pas. Il faut faire partie du corps médical.
Bernard Bégaud, dénonce le lien entre maladie d'Alzheimer et consommation de benzodiazépines et de somnifères. En septembre 2011 ce pharmacologue et épidémiologiste à l'université de Bordeaux, s'élève publiquement contre la trop importante prescription en France de cette famille de médicaments.
Il a fallu deux ans à Irène Frachon, pour obtenir gain de cause. Dès 2007, cette pneumologue du Centre hospitalier universitaire de Brest, a des doutes sur l'innocuité du Médiator. Elle soumet, début 2009, un dossier rapportant les cas d'une quinzaine de patients traités par Médiator auprès de l'AFSSAPS. Le retrait du marché de ce médicament a lieu fin 2009.
Rien n'a été épargné à Irène Frachon, ni intimidations personnelles, ni procès à la sortie de son livre « Médiator : combien de morts ? ». Pour éviter ces dérives, la fondation Sciences Citoyennes propose un projet de loi qui vise à protéger davantage ces acteurs devenus de véritables garde-fous de notre société.
Pharmacoméfiance pour cause de pharmaconégligence
2011 est l'année des scandales pharmaceutiques. L'affaire Médiator suivie de près par les controverses autour du Protelos, du Xanax ou encore d'Ali sont largement médiatisées. Elles provoquent la colère des usagers et un malaise au sein de la profession médicale. Le service de communication des Entreprise du médicament (Leem) réagit.
Notre identité remarquable
Difficile d'accepter d'être assimilé à la masse de ses semblables dans une société qui prône l'individualisme. Chaque individu se conçoit comme un être singulier et non comme le produit d'une somme de variables. Il y a une certaine frustration à savoir que les comportements, les variables biologiques, sont normés. C'est l'expérience propre de chacun qui est remise en cause. Qui n'a pas été tenté de dire : « Pour moi, mon cousin, mon ami(e) ce n'est pas pareil » ? Eh bien si. Dans 95% des cas, c'est pareil.
Il est admis que la plupart des variables biologiques ou physiologiques quantitatives possèdent une distribution normale centrée réduite. Cette loi statistique se caractérise par une représentation graphique des données en forme de cloche centrée sur la moyenne arithmétique. Une courbe qui rendrait compte de la taille de 500 citoyens suédois serait en forme de cloche avec un maximum d'individu de 1,80 à 1,90 m de hauteur*.
La loi normale centrée réduite est largement utilisée en recherche médicale. Les données situées à l'une et l'autre des extrémités de la courbe, à hauteur de 5% de l'aire totale, sont exclues. Autrement dit si vous connaissez une suédoise qui mesure 1,40 m, il y a fort à parier que cette personne soit d'exceptionnellement petite taille et donc comprise dans ces 5%. Ou encore, l'existence d'un octogénaire tabagique avec un taux de cholestérol de 3 g/l en excellente santé ne remet pas en cause le fait que la majorité des individus qui présentent un taux de cholestérol de plus de 1,6 g/l sont sujets à des pathologies cardiovasculaires.
Une complexité difficilement accessible
Le fait est que les statistiques ne sont pas perçues comme un outil qui permet de décrire le réel dans sa complexité. Les racines du mal sont sans doute plus profondes qu'un simple problème de compréhension. Les statistiques découlent d'une idée progressiste des sciences pour laquelle tout phénomène peut être mis en équation. Depuis la fin des années 1960, le grand public a un sentiment de défiance par rapport aux objets scientifiques, aux innovations techniques et aux scientifiques eux-mêmes. Les scandales comme celui de la vache folle, du sang contaminé ou encore l'accident nucléaire à Tchernobyl ont profondément modifié le rapport de la société à la science.
Entre une mauvaise compréhension des données, la comparaison de données non comparables ou encore à l'interprétation de données statistiques erronées à mauvais escient, le risque d'erreurs d'interprétation est grand. Le site officiel Statistique Canada recommande aux lecteurs d'être particulièrement vigilant quand aux données qui leurs sont présentées. Il est conseillé de vérifier les sources et la méthodologie utilisées pour tous résultats donnés. Mission impossible sans être expert en la matière! La tâche est titanesque, car aucun domaine n'est épargné par les statistiques. Les nouvelles regorgent de pourcentages, moyennes et autres médianes.
Si le grand public peut rencontrer des problèmes, il n'est pas le seul. Au cours d'une étude portant sur l'interprétation de données statistiques W. Casscells et cie montrent que seul 11 participants sur 60 enseignants et étudiants de la faculté de médecine d'Harvard interprètent les données présentées correctement.
La toute nouvelle journée mondiale de la statistique, inaugurée le 20 octobre 2010 par les Nations Unies sera-t-elle l'occasion d'en savoir plus sur cette discipline omniprésente et méconnue ?