La couleur au fil du temps

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Conférence de Valérie Chansigaud Conférence de Valérie Chansigaud Caroline Faltot

La Couleur au fil du temps

L’importance de la couleur pour l’illustration scientifique était au cœur de la journée d’étude proposée par le Haute École des Arts du Rhin le 21 novembre dernier. L’image naturaliste qui sera peut-être un des versants du futur métier des étudiants présents dans la salle a été particulièrement mise à l’honneur.

Les étudiants des Arts décoratifs arrivent au compte-goutte dans la pièce où se tient la conférence « Les naturalistes et les codes couleurs ». Une cinquantaine de personnes sera présente pour en apprendre plus sur les nuances de teintes, qui feront partie intégrante de leur métier. La conférencière Valérie Chansigaud, très concentrée, se met en place.

« La nature est en couleur, il est logique que les naturalistes veuillent la représenter telle quelle » souligne la chercheuse. Cette naturaliste et historienne des sciences explique comment la création de codes couleur et la conception de nuanciers a eu une grande importance pour les scientifiques.C’est lors du voyage de Cook en 1768 qu’un naturaliste va pour la première fois créer cet outil. Il permet de référencer des teintes qui se retrouvent dans la nature, ce qui facilite les échanges entre chercheurs de même discipline.

Des étudiants, leurs ordinateurs sur les genoux, s’amusent à colorer leurs dernières créations à l’aide d’un logiciel de graphisme, tout en chuchotant. Ils ont à faire face aux mêmes difficultés de choix des couleurs que leurs prédécesseurs du XVIIIe.

La fidélité des teintes est plus contestée depuis l’utilisation du numérique. Les écrans et les imprimantes ne les reproduisent pas de la même manière. « Il est quasiment impossible d’avoir une fiabilité fine » explique la conférencière. Le numérique a d’ailleurs produit quelques aberrations : dans les années 2000, la tendance était à la création de son propre code couleur. Rien de plus facile avec un logiciel que de créer son nuancier. L'universalisation devient inenvisageable.

La transmission grâce au vidéoprojecteur de planches colorées et de nuanciers d’antan suscite des interrogations de la part de la conférencière dont celle de la fidélité à l’écran. Ces dessins de textures, nuances et effets différents s'exposent au public telle une bibliothèque de teintes. L'intérêt des nuanciers est controversé, leur universalité aussi. Aucun n’a vraiment fait l’unanimité pour les scientifiques.

Celui de Ridway, un ornithologue et illustrateur américain du début du siècle contient plus de 1100 couleurs. Son auteur a « réalisé une sorte de nomenclature qui permet de s’y retrouver dans la jungle des teintes » relate Valérie Chansigaud. De nos jours, l’un des grands codes modernes est celui édité par la société d’horticulture de Grande-Bretagne. Cependant, il n’est pas devenu totalement universel.

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La couleur est-elle indispensable ?

Tous les scientifiques n’avaient pas besoin de couleurs dans leurs illustrations. Ce sont surtout les botanistes, horticulteurs, minéralogistes ou naturalistes qui les utilisaient. La « société des chrysanthémistes » est même allée jusqu’à créer son propre nuancier au début du XXe siècle. Il était utilisé pour distinguer des plantes morphologiquement identiques, mais de couleurs différentes.« Aujourd’hui, la génétique change totalement le besoin d’avoir des nuanciers. » ajoute-t-elle. En effet, si une espèce a un intérêt, on fait systématiquement sa carte génétique qui sera plus précise. Le numérique et la science remettent donc en question l’usage et le principe même de l’utilisation des nuanciers.

La couleur a été finalement très peu utilisée pour le dessin scientifique. « Ce qui est étonnant c’est que la création de nuanciers a suscité une activité considérable mais l’usage en est réduit » explique la conférencière. La monochromie est parfois suffisante ou alors seules les parties significatives sont teintées. Quelques irréductibles continuent de nos jours à prôner l’illustration colorée comme la Société Française d’Illustration Botanique. Le dessin polychromatique a encore quelques beaux jours devant lui.

Après cette conclusion quelque peu rassurante pour les futurs professionnels de l’image, la conférencière propose un moment de questions. Quelques membres de l’assistance, dont des professeurs présents dans la salle n’hésitent pas partager leur sentiment face à l’utilisation de plus en plus répandue du numérique.

Caroline Faltot

Diplômée d'une licence de Sciences du Vivant, parcours Biologie Cellulaire et Physiologie, je suis actuellement étudiante en Master 2 de Communication Scientifique à l'Université de Strasbourg