Les frontières culturelles jouent un rôle particulièrement important lorsqu’il s’agit de communiquer. L’un des rôles de la médiation scientifique est d’informer le grand public des risques de certaines maladies et des moyens qui existent pour les prévenir ou en guérir. Mais cette médiation ne peut pas être menée de la même manière en Europe ou en Afrique.
Un contexte socio-culturel différent
Un problème récurrent se pose lorsqu’on essaye de transposer des techniques occidentales en Afrique : les occidentaux ont tendance à oublier que les croyances des africains ne fonctionnent pas forcement sur le même mode que les nôtres. Comme le soulignait le sociologue Raymond Boudon dans son livre Raison, bonnes raisons, il faut réfléchir en fonction des coutumes de chaque population afin d’avancer dans la diffusion des informations.
Corinne Liégeois, présidente de l’association Dépravie qui sensibilise et informe sur la drépanocytose, est catégorique à ce sujet : « Les contextes socio-culturels, politiques et juridiques ne sont pas du tout les mêmes. »
La drépanocytose, également appelée anémie falciforme, est une maladie génétique qui se traduit par une déformation des globules rouges. Elle entraine de grandes souffrances chez le patient et est très mal connue du grand public. En France, des démarches sont menées par le Centre d'Information et Dépistage de la Drépanocytose en collaboration avec Dépravie. Ils mettent en place des actions auprès des malades et forment les médecins au diagnostic de cette maladie. Ils possèdent de nombreux outils de communication comme un magazine, un DVD ou un film documentaire.
En Afrique, l’approche est totalement différente. Les associations doivent faire face aux croyances locales : « on rentre dans le contexte d’une maladie du sang qu’on associe ici à la sorcellerie » dit Corinne Liégeois. Elle entend souvent dire dans les villages qu’un enfant est malade car quelqu’un l’a « marabouté ». Biologiste de métier, elle a suivi une formation en communication pour mener à bien sa mission. A force d’aller dans les villages, elle maitrise également des dialectes locaux comme le Bambara au Mali. « On n’utilise pas le mot génétique, on essaye d’éviter les mots compliqués » explique-t-elle.
Afin que les populations locales comprennent mieux le mode de transmission de la maladie, les associations organisent souvent des jeux de rôles avec le public. Elles montrent ainsi que la transmission de la maladie est « comme une loterie », en fonction du gène que l’enfant va prendre du papa et de la maman.
Des premiers résultats encourageants
Ce type de méthode a déjà porté ses fruits pour d’autres maladies. L’OMS a ainsi enregistré une chute du taux de mortalité due au paludisme de 25% depuis 2000. La principale action consiste ici à encourager les populations à utiliser des moustiquaires et plus particulièrement des moustiquaires imprégnées d’insecticides comme le prône la dernière campagne lancée l’été dernier au Burkina Faso. Ce type de médiation a également joué un rôle dans les avancées observées pour le SIDA : de nombreux africains ont maintenant accès à la trithérapie même si l’instabilité politique et les guerres freinent grandement ces progrès.
Mais quel que soit le fléau et quel que soit le pays, la compréhension des façons de penser locales ainsi que l’acquisition d’une réelle autonomie des populations sont la clé du succès pour que ces mesures soient pérennes.